Touché par une « déficience motrice cérébrale », désignation la plus répandue dans le monde médical, Christian suit comme toutes personnes diagnostiquées de ces troubles, un processus de rééducation dès l’âge de deux ans, dès que les symptômes de la déficience sont apparus. La scolarisation se réalise dans des établissements spécialisés.
Un corps à modifier afin de le rendre plus conforme au corps « normal » et une scolarisation en vase clos, laissent des séquelles négatives sur la conscience du corps et la relation au corps social. Une aspiration légitime peut naître, et ce fut mon cas, de sortir de ce corset éducatif.  

Grâce à la danse mon corps a pu émerger dans une conscience de l’ordre de la création. Adam Benjamin, chorégraphe anglais est venu donner un atelier de danse d’un week-end à Lyon, j’avais la quarantaine. Ce stage avait été organisé par l’université Lyon II sous la direction de Charles Gardou et s’inscrivait dans un programme qui avait pour thématique : « le handicap et l’accès à la culture ».

L’année suivante je me suis inscrit à l’université Lyon II, sous la direction de ce professeur qui m’accompagnait dans un travail qui a donné lieu à une maitrise et dont le sujet était « danse et handicap ».

Il aura fallu ce travail de réflexion pour comprendre le processus de handicap, et démonter les idées reçues dans l’éducation des personnes touchées par une déficience. 
Il me fallait donc connaitre la danse de l’intérieur. Les conservatoires n’étaient pas à l’époque des lieux où le contexte était intégré. D’autre part, je ne voulais pas aller directement dans une compagnie de danse intégrée car il me semblait important d’avoir une reconnaissance de l’école par les diplômes.  


La danse a pour outil et base le corps des interprètes et le handicap affecte le corps qui devient un corps à soigner. Ainsi puisque la danse visite le corps dans les possibilités qui sont les siennes, le contexte intégré, c’est-à-dire un contexte où se côtoient des danseurs touchés ou non par une déficience répertoriée, devient un contexte favorable à l’amorce d’une reconnaissance du corps de l’autre tel qu’il est, capable de créativité dans l’espace commun.

Je suis donc parti en Angleterre suivre une première formation : de danse, de théâtre, de dessin, de gestion et d’apprentissage de l’anglais. Deux bienfaiteurs m’ont aidé à payer un traducteur et le coût de la formation.

A la suite de cette formation initiale j’ai pu entrer à l’Ecole de Laban à Londres et faire en deux ans le programme d’une l’année. Comme chacun des élèves, j’ai suivi des cours  de ballet pour en connaitre les bases, de danse contemporaine, chorégraphie entre autre. Pour les examens de danse contemporaine j’ai suggéré de garder les bases de la danse  – le niveau, le rythme et la direction – et rester ainsi dans l’unité du groupe. Ce fut accepté et j’ai pu passer les examens avec les autres.

J’ai aussi pu grâce à Adam Benjamin être dans une compagnie d’improvisation, « 5 men dancing » et nous avons donné des représentations en Angleterre et en Suisse. Adam a également créé un spectacle auquel je participais avec deux autres danseurs. Ceci grâce à la compagnie Danse Habile basée en Suisse.

Je suis revenu en France et depuis trois ans, je collabore avec Émilie Borgo pour un co-enseignement dans l’improvisation et des ateliers d’initiation à la danse.

Il me semble important à présent, non pas d’interroger les danseurs touchés par une déficience en relation à un savoir universitaire, mais d’interroger la danse dans ce qu’elle dit d’un contexte intégré.